Sommaire
Ce n’est pas une décision que j’ai prise. C’est un glissement.
J’ai réservé un riad à Marrakech comme on jette une bouteille à la mer. Pas pour changer d’air, mais pour désactiver le bruit de fond que je traîne depuis des mois. Une envie brute de me fondre dans un autre rythme. Pas en touriste, pas vraiment. En passant.
Jour 1 : Arriver sans repères
J’atterris de nuit. Mon taxi me laisse dans une ruelle étroite, où même Google se perd. Une porte en bois s’ouvre. Un homme prononce mon prénom avec douceur et m’entraîne dans un enchevêtrement de murs roses et de pierres muettes.
Le riad est frais, sombre, presque religieux. Une fontaine coule doucement. On me sert un thé à la menthe. Pas de mot superflu. On me montre ma chambre. Je découvre plus tard que ce silence n’est pas un oubli. Il fait partie de la maison.
Jour 3 : Rien ne se prévoit ici
Je veux planifier, comme toujours. Mais la ville me désarme. Tout change d’une heure à l’autre. Les sons, les visages, les nuances de lumière.
Un enfant me vend des cacahuètes, puis me guide sans rien dire jusqu’à une herboristerie où je n’avais rien demandé. Une femme m’invite à goûter un pain brûlant qu’elle sort d’un four communautaire. Il est 10h, j’avais prévu de visiter un palais. J’y renonce.
Jour 7 : Le riad devient une présence
Je ne croise presque jamais le personnel. Et pourtant, mes draps sont changés, mon linge plié, un chauffage ajouté le soir. Un couscous maison m’attend parfois, sans que je l’aie commandé.
J’apprends qu’une conciergerie à Marrakech coordonne tout à distance. Ce n’est pas une structure figée, mais une sorte de réseau souple, invisible, qui semble toujours savoir ce dont j’ai besoin une demi-journée avant moi. Pas d’application, pas de formulaire. Juste des gens qui savent lire les absences. Il s’agit de kridarek, m’informe discrètement le propriétaire. Tout prend sens.
Jour 12 : Le toit et l’appel
Un soir, on me glisse : « monte sur le toit à 17h40 ». Je le fais sans savoir.
L’appel à la prière commence. Mais ce n’est pas un simple chant. C’est un roulement, une vague de sons lancés de tous les coins de la ville, qui se mêlent, se croisent, se percutent.
J’en oublie la lumière. J’oublie le vent. Je suis suspendue. Pendant cinq minutes, Marrakech devient une mer invisible.
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Jour 18 : Casablanca entre les lignes
Dans un café, je parle avec un Italien qui vit un mois à Casablanca. Il me raconte son expérience. Un appartement dans une ruelle calme, une femme de ménage qu’il ne voit jamais, un frigo toujours plein.
On échange des anecdotes. Il me dit que sa conciergerie là-bas fonctionne un peu comme la mienne ici. Une gestion locale, presque artisanale. On se comprend. Ce n’est pas un service. C’est un écosystème discret, qui vous adopte. Une conciergerie à Casablanca, dit-il. Une autre forme d’hospitalité invisible.
Jour 25 : Le temps s’étire
Je ne sais plus quel jour on est.
Je reconnais les marchands au son de leur voix. Je devine les heures à la chaleur du sol. Une vieille femme me raconte une histoire sans queue ni tête sur un palmier qui prie. Je ris, sans comprendre, et elle rit aussi.
Un soir, je suis invitée à un dîner dans un autre riad. J’accepte. Le pain est meilleur que dans tous les restaurants. On chante. On boit du thé jusqu’à minuit. Aucun des convives ne vit ici, mais tous ont l’air d’y être nés.
Jour 30 : Ce qui reste
Je n’ai pas visité les jardins Majorelle. Ni monté à dos de chameau. Mais j’ai appris à entendre les silences, à lire les gestes simples, à vivre dans une ville sans m’imposer à elle.
Je suis repartie sans souvenir tangible, sans carte postale, sans même pouvoir expliquer ce que j’y ai fait. Mais je sais que j’y ai existé, un peu autrement. Et que quelque part, dans un riad quelque part dans la médina, on se souvient peut-être encore de mon prénom.
Pour ceux qui veulent tenter l’expérience :
- Ne venez pas pour voir. Venez pour ressentir.
- Choisissez un logement qui a une histoire, pas juste un code d’accès.
- Laissez tomber l’agenda. Les vraies choses arrivent quand vous êtes perdu.
- Le rooftop, à 17h40. Toujours.
- La conciergerie, si elle est locale, peut être votre meilleure complice.
Et surtout, restez assez longtemps pour que la ville arrête de vous regarder… et commence à vous parler.